• PIERRE RIVE extrait livre Ville

    PIERRE RIVE extrait livre Ville

     

     

    Ce livre est une critique de notre mode de vie.

     

    La cybernétique c’est fantastique, on zappe sur le web, on voit des filles de toutes les couleurs qui feulent pour ne pas pleurer, avec les tétons prêts à éclater. On voit des anus dilatés et des phallus qui trifouillent à tous les vents. La cybernétique, c’est étonnant, et pourtant ils n’ont rien inventé.

    La cybernétique c’est formidable – surtout pour les enfants.

    Les enfants ne rêvent plus, ils marchent entre des trous suintant le sperme.

     

    La cybernétique c’est la délivrance, on s’enferme dans des cellules, on se glisse parmi des groupuscules de phrases, et on ne sait plus pourquoi on est venu. La cybernétique, c’est de la culture en confiture ; ça dégouline et au bout du compte on s’endort sur la souris avec la marque du clavier sur le front.

     

    La cybernétique, c’est une souris qui devrait faire moins de chichi.

     

    La cybernétique c’est émouvant : on vous chiffre,  on vous catalogue,  on vous isole, on vous passe au vitriol, et après vous n’avez plus rien à dire… vous restez scotchés sur votre numéro d’identifiant.

     

    La cybernétique c’est fantastique. Attendez de passer à la casserole !

    Vous

    Jeunes filles si accueillantes derrière vos postes de travail.

    Un jour

    La cybernétique viendra vous chasser

    Et vous serez condamnées à errer dans de longs couloirs froids.

     

     La cybernétique

     

     

    C’était une belle matinée d’automne, le soleil était doux, on aurait pu boire à sa source sans se brûler les lèvres. Les allées, les pelouses, et les trottoirs étaient déjà jonchés de feuilles mortes. Encore, quelques dahlias aux couleurs éclatantes levaient la tête.

     

    En sortant du tram, j’ai rencontré un ami que je n’avais pas vu depuis plusieurs mois. C’est toujours pareil, on se dit que… Et puis le temps passe, on oublie de se voir, on a ses occupations… Je lui ai donc proposé de prendre un café, de griller une cigarette, de faire un peu la causette. Le serveur était à peine arrivé avec son plateau fumant que le portable du compère s’est mis à sonner… J’allais lui dire que… lorsqu’une deuxième sonnerie a fredonné… J’aurais voulu savoir si… une troisième sonnerie… Je commandai donc deux autres cafés, et lui demandai des nouvelles de … lorsqu’il m’a prié de l’excuser, car il avait un message à écrire. Il a tripoté son clavier pendant que je payais l’addition…

     

     

    En sortant du bistrot, nous nous sommes serré la main, et il m’a dit : «  Tu sais, ça fait du bien de pouvoir discuter  avec un ami de longue date ! »

     

    Le téléphone 

     

     

    Les villes deviennent invivables, saturées de klaxons, de crissements de freins, et d’émanations d’essence. Il suffit que l’homme se trouve en face d’un volant, d’un seul coup il devient le maître du monde. Il manipule son levier de vitesse comme s’il palpait son pénis dans l’arène du sexe. Il ouvre sa fenêtre, invective, fait des appels de phares, double avec condescendance.  De plus, la voiture est devenue le symbole de la réussite sociale, ce n’est pas l’outil pragmatique, telle la pointe réclamant le marteau, mais la foire des envieux et des arrogants. Et puis, il faut dire que le monde a changé, les femmes sont arrivées sur le marché du travail. Après une lente émancipation et un épanouissement intellectuel, la douce maman du foyer est aujourd’hui devenue la reine du bizness, la prêtresse d’une pyramide infernale – paradoxalement, elle reste l’objet à dentelles, la publicité et le marketing lui tirent des aubades à tous les vents. Cependant, la femme libérée utilise une voiture pour aller œuvrer, et il n’est pas rare de voir des troupeaux sur les banquettes des attelages. Quant à la progéniture, il a grandi entre deux machines à polluer, et son premier geste est de caresser  la pédale d’accélérateur.

     

     

    Alors, tout ce beau monde vient envahir les rues et les boulevards périphériques. Et tant que le pétrole rapporte, on n’est pas encore disposé pour d’autres solutions.

     

    Les voitures

     

     

    Les pavés de mai 68 contre la société de consommation n’ont pas cassé de vitres. Elles sont lisses et propres, on peut même s’y mirer.

    A part une libération des mœurs, une histoire de touche-pipi, la lame de la révolution a fendu l’eau, et l’eau s’est refermée. Il en a été de même pour d’autres manifestations.

     

    Les grandes surfaces strangulent les petits fournisseurs, et les villes se désertifient. On trouve souvent sur les étalages des tapis asiatiques pour une poignée d’euros : petite fille montre-moi tes doigts piqués d’aiguilles !

    Et, ce sont toujours les banques multinationales qui colonisent les troupeaux de l’indigence.

    Un jour, à force de délocalisations, de moindres coûts, la noblesse du travail manuel va disparaître de notre beau pays. Alors ils feront des musées, et les grands bureaucrates, les boursiers, les actionnaires viendront s’y promener les dimanches avec leurs familles d’obèses.

     

     La société de consommation

     

    PIERRE RIVE extrait livre Ville

     

    Note de la revue Le Bibliothécaire  

     

    PIERRE RIVE extrait livre Ville

                                                         Note de la revue VERSO ( Alain Wexler)