-
Arbres (Poésie)
Il a penché sa tête
Au bord d’un lac
L’extrémité
De ses longs cheveux
Était trempée.
Il a penché sa tête
Au bord d’un lac
Pour s’y mirer.
Mais le miroir de l’eau
Était cassé
En mille morceaux.
Il est resté
Au bord de l’onde
Avec le désespoir.
Ne pleure pas saule !
Tu es beau
Beau
Comme un dieu.
*
Tels des papillons
Les fleurs se sont envolées
De l’écorce des bras.
Entre les doigts de la pluie
Agonisent encore
Les derniers pétales.
La blancheur de l’arbre
Se noie
Dans le fleuve du temps.
Laissant apparaître
Des petits fruits verts
Aux longues queues.
Bientôt
Charnu et fruité
Le rouge sera mangé
Par les becs de la liberté.
*
La sève écume
Entre ses bras puissants
Où foisonnent des fruits amers.
À son pied
Bientôt des tapis de glands
Où viendra se goinfrer la faune.
Ses feuilles s’abandonneront
À la rousseur de l’automne
Et le soleil
Viendra y faire son miel
Douceur
Dans sa ramure frémissante.
L’hiver lâchera ses fauves
Contre la cuirasse du végétal
Et les serpents de la nudité
Chercheront à l’étouffer.
Mais sous sa robe brune et fripée
Bourgeonneront déjà les armes
Qui couperont la tête
Aux bêtes belliqueuses.
*
Arbres
Sentinelles de la nuit
Dont les lances saignent
Les démons du vent.
Arbres
Absorbés de silence
Dont la sève
Délie la langue.
Arbres
Grands conifères
Avec sur les cimes
Le placenta des étoiles.
Arbres
Châteaux d’aiguilles
Berçant dans leurs bras
Des enfants stellaires.
Arbres
Majestueux
Que plus personne
Ne regarde.
*
Respirant
La poussière des chemins pierreux
Et la peau aride de la terre
L’arbre trapu
Au tronc noueux
Et au feuillage argenté
Se moque des ardeurs du soleil.
Il suffira
De quelques olives
Pour que les ombres lui serrent la main.
Pierre Rive